Source Gallica

La Vie parisienne
du 10/10/1903


 

     MARDI CHEZ LES ISOLA

             Un des membres de leur famille étant mort, MM. Isola viennent de fermer, pour un soir, deux des établissements de plaisir les plus fréquentés de Paris; tous les journaux l'annoncent. Sur le boulevard, ce doit être un événement !
               MM. Isola, ne sont encore directeurs que de l'Olympia, des Folies-Bergère et du théâtre de la Gaîté, mais ils ont de plus grandes ambitions, ils veulent avoir l'Opéra. Cela nous promet d'autres relâches.
            Hèrodiade, à la Gaîté, Mme Calvé, Renaud, engagés à des conditions « américaines », la mise en scène, qui sera, dit-on, faramineuse, ne sont là que pour faire songer à MM. Isola, au cas où M. Gailhard viendrait à manquer. La saison de la Gaîté coûtera très cher aux directeurs des Folies-Bergère. Peu leur importe ! Ils veulent l'Opéra.
         Qui aurait dit que les prestidigitateurs de la petite salle du boulevard des Capucines deviendraient de si gros personnages? Des Capucines à l'Opéra, il y avait plus loin qu'il ne semble, malgré que du plus petit au plus grand théâtre de Paris, il n'y ait pas quatre cents mètres. L'Olympia était en face, ils y sont entrés d'abord. Avant de mettre en scène un ballet de M.Duvernoy ou un opéra de Saint-Saëns, ils se sont essayés avec ballets de Ganne et revues à grand spectacle des fameux Blondeau et Monréal ou des non moins fameux Cottens, Gavault et Cie.
               Dans son dernier album, Sem a dessiné MM. Isola entre le marquis de Modène (officier de marine Français des XVIIeme et XVIIIeme siècles), le prince Troubetzkoy (prince russe ou linguiste russe), M. Jacques Lebaudy (Henri Jacques Lebaudy, dit Jacques Ier, empereur du Sahara) et M. Bocher ( mathématicien américain) , qui est doyen des abonnés de l'Opéra,

 
 
 
comme on est président à la cour ou sénateur. Sem ne l'a fait, sans aucun doute que pour montrer à quel point les célèbres frères font corps avec ce grand Paris de cinq cents personnes, toujours les mêmes pendant une période de dix ans! qui mènent grand bruit, risquent les coups dont on aime à s'émerveiller, domptent la chance, bravent la guigne et ne sauraient manquer une réunion de courses ou certaines premières, sans que cette réunion, cette première manque d'un point, d'une petite tache, qui la fait moins parisienne.
           Offrant sur une de leur scène Hérodiade avec la divine Calvé ; sur une autre, le Looping ou la Flèche humaine et, sur une troisième, Mlle Otéro, ou des lutteurs turcs, les frères Isola dont les cheveux noirs, le teint bis, faisaient penser les premiers temps à quelques riches planteurs du Colorado en partie de plaisir à Paris, les frères Isola sont des personnages très « sensationnels ».
           A quelque jeune Persan qui voudrait s'instruire de Paris, il lui faudrait expliquer les frères Isola, comme on voudrait lui faire approcher Mme Greffühle (aristocrate française), le faire assister à une soirée de Mme Madeleine Lemaire (artiste peintre), lui montrer Rochefort, le conduire applaudir Sarah, Réjane et Coquelin, et le promener à Bagatelle, un jour où Santos- Dumont (pilote émérite) opère.
         Les États-Unis ont leurs rois du pétrole, du porc, de l'or, de l'acier; nous avons l'Empereur du Sahara, mais nous avons aussi les rois du portant, les trusters du théâtre : les frères Isola. C'est un signe des temps!
       

  

  En effet, les frères étaient en Algérie pour fermer les yeux de leur pére Antoine qui décède à Koléa le lundi 3 octobre 1903.
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