Médrano donne actuellement un excellent
programme. Programme un peu court, un peu rapide, et dont la composition
correspond peut-être plus à un spectacle de music-hall
qu’à un spectacle de cirque, mais dont la bonne qualité
générale mérite un encouragement par ces temps
difficiles.
eeee Le clou de la représentation est assurément l’étonnant
numéro des frères Isola qui présentent, avec une
élégance et une tenue qui comble d’aise le spectateur
un peu soucieux de la forme, trois « illusions » dont on
serait tenté de dire qu’elles sont des mystères.
Celle-ci, notamment : les jumeaux Dommergue, deux tout jeunes gens d’une
ressemblance parfaite, sont assis les yeux bandés, l’un
en face de l’autre, au milieu de la piste. Vincent Isola
circule parmi les spectateurs et tous ceux qui le veulent lui murmurent
à l’oreille le nom d’une opérette ou d’un
opéra. Vincent Isola se tourne alors vers les deux « sujets
», tend vers eux la main en silence et, immédiatement,
les jumeaux Dommergue, sans la moindre hésitation, jouent l’air
principal de l’œuvre demandée.
L’expérience se renouvelle deux fois, trois fois, quinze
fois ; les sceptiques eux-mêmes glissent à l’oreille
de Vincent Isola le nom de l’œuvre de leur choix ; pas une
fois les « sujets » ne se trompent ; pas une fois, ils ne
marquent la moindre hésitation. Le cirque croule sous les applaudissements.
eeee La rentrée de Porto, après vingt ans d’absence
à Médrano, est l’autre attraction substantielle
du spectacle. Porto et Alex naturellement, ont composés une série
de petits sketches dans la meilleure tradition de la piste. Pas d’exagération,
peu de moyens, une foule de nuances…et beaucoup d’effets.
Petits et grands sont en joie. Alex et Porto, deux clowns, deux vrais,
c’est rare.
Signalons
Miss Novara, virtuose xylophoniste, le couple acrobatique, Reylaus,
les Renattis, l’écuyer Alexandro et, enfin, les danseurs
comiques Leons et Harry. L’ensemble du spectacle est présenté
par Recordier et Boulicot, toujours aimés enfants, mais un peu
faibles.
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--- Au milieu
d’un copieux programme qui nous permet d’applaudir à
nouveau le beau numéro de trapèze volant « les
Flying Dolls » dont je vous entretenais dans une récente
chronique, Porto, le clown-maison par excellence, retour d’un voyage
en Espagne, et tout une série d’autres numéros, les
frères Isola, prestidigitateurs célèbres
dans leur jeunesse, bientôt directeurs de théâtres
et de music-hall. Ils connurent la grande gloire à « Mogador
», où ils montèrent avec une somptuosité jusque-là
inconnue des opérettes à grands succès.
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Et puis, ce fut la malchance, la crise, etc., etc., si bien qu’un
jour les deux frères durent rechercher dans quelque grenier oublié
les malles à surprises et reprendre les exercices de leur jeunesse.
--- En spectateurs féroces, on dit
en consultant le programme : Ah ! zut, ces vieux-là ! et puis ils
paraissent. Evidemment, ils ne sont plus de la première jeunesse
et la présentation de leur numéro est elle-même bien
veillotte. Mais leurs exercices se déroulent sur le rythme qui
leur est propre : alors, les plus rebelles se trouvent intéressés,
intrigués, étonnés et bientôt enthousiasmés
par la perfection technique avec laquelle tous les « trucs »
se trouvent exécutés. C’est que les frères
Isola connaissent leur métier… sur le bout des doigts.
Ils ne se contentent pas des vieux succès, ils en cherchent d’autres.
On les sent heureux et fiers de posséder
un beau métier et de l’exercer avec succès. Er ça,
c’est toujours le plus magnifique des spectacles.
Texte de R.FUZIER
MARIANNE
du mercredi 20 mars 1940
Source
Gallica
Les frères Isola! Durant un demi-siècle, ces frères
siamois du théâtre, connus du monde entier, ont dirigé
magistralement les Folies-Bergère, Parisiana,
l'Olympia, la Gaîté-Lyrique, l'Opéra-Comique,
Mogador et le Théâtre Sarah-Bernhardt.
Mais,
après avoir versé 36 millions
de droits à l'Assistance Publique de Paris, Vincent
et Émile Isola ont dû courageusement remonter
sur les planches pour y reprendre le numéro de prestidigitation
de leurs débuts.
Source
Gallica
Paris-Soir le mardi 3 septembre
1940
Les frères
Isola, vedettes du spectacle, remportent un triomphe. La cabine
au fantôme, le rideau mystérieux font toujours la joie du
public. Les manipulations aussi, avec la participation des spectateurs
dans la poche desquels on découvre des jeux de cartes, des serpentins
ou un lapin vivant.
Le numéro se termine
par des expériences de transmission de pensée très
attrayantes : les jeunes Domergue reparaissent avec leurs
accordéons et, les yeux bandés, exécutent les morceaux
dont Vincent Isola leur donne l'ordre, sans paroles et
de la salle où il prend connaissance des désirs du public.
Manon, Tannhauser, Phi-Phi, Lakmé,
etc... se succèdent sans bavures.
Un spectateur bien avisé
demande "O ma Rose-Marie". Dès les premières
mesures, les applaudissements redoublent. Les Isola saluent cet
hommage à ce qui fut leur grand succès de directeurs. C'est
une jolie minute, pleine de souvenirs et de l'amitié de Paris.
Françoise HOLBANE.
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