Source Gallica de la Bnf
"Le Journal amusant"
du 6 janvier 1929
 
     
Le programme
   
     

   
   
         
       
---- Rose-Marie a été jouée mille cent fois de suite sur la scène du théâtre Mogador.
--- C'est la première pièce qui, en France, eut plus de mille représentations consécutives. Si certaines œuvres populaires de notre répertoire dramatique ou lyrique ont pu dépasser ce chiffre, c'est grâce à de multiples reprises échelonnées sur une période plus du moins longues.
---- Mais voici qu'après une longue et profitable carrière — une carrière qui serait plutôt une mine d'or — les frères Isola, directeurs du bienheureux théâtre, ont retiré Rose-Marie de l'affiche pour la remplacer par Halleluiah, fabriquée d'après la même formule et à qui les connaisseurs promettent dores et déjà un non moindre succès.

-----Or Rose-Marie, championne théâtrale de durée, comme Halleluiah qui s'efforce de battre le record de son aînée, sont des opérettes d'importation américaine.
---- Jusqu'ici on avait pu contester cette sorte de colonisation intellectuelle, maintes fois dénoncée, de l'ancien monde par le nouveau. Certes, nous avions reçu de l'Amérique ses modes, ses méthodes de travail, son goût du bluff, son amour de l'argent, du moins prétendions-nous rester les maîtres sur un terrain bien à nous, ce qu'on appelait comiquement « le domaine des choses de l'esprit».
---- A présent, ce terrain lui-même est envahi ! La musique de nos chansons est américaine, les revues de nos music-halls sont américaines, les féeries du Châtelet sont américaines, lés films de nos cinémas sont américains et voila que l'opérette — genre essentiellement français, disait-on naguère —ne saurait plus nous plaire qu'à la condition d'être made in U. S. A.
En somme, avec toutes ces choses américaines qui sont devenue l'ordinaire de notre existence, rien ne nous empêche de nous considérer, nous aussi, comme des manières d'Américains.
En moins riches, naturellement !
Peut-être, à ce propos, nous sera-t-il permis de demander aux avisés directeurs du Mogador Théâtre pour quelle raison ils orthographient alléluia : Halleluiah.
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Peut-être comptent-ils sur ces h supplémentaires pour aspirer le succès.
---- Mais alors, pourquoi ne pas traiter de la même façon leur propre nom. Hisolah Brothers; ce ne serait pas si mal !

   

Source Gallica de la Bnf
"Les annales coloniales"
du samedi
2 novembre 1929

SPECTACLES : « Halleluiah » est une opérette à grand spectacle en deux parties et huit tableaux, adaptation de MM. Roger Ferreol et Saint-Granier d'après la pièce de M Herbert Fields, musique de Vincent Youmans.

---- Halleluiah, c'est, au théâtre Mogador, une nouvelle victoire du music-hall et, aussi, de l'Amérique.
----- Le sujet est mince et manifestement, sans aucune importance.
---- Looloo Martine, fille d'un brave marin, tient un petit café à Plymouth. La mulâtresse Magnolia remplace les parents de la sympathique orpheline. Celle-ci s'éprend d'un matelot, Bill Smith, d'abord oublieux, volage, puis touché par la passion de la jouvencelle. Mais elle devient riche et il a de trop beaux sentiments pour l’épouser. Tout s’arrangera dès qu'elle aura placé tout son argent sur la tête de son premier enfant à venir, c'est-à-dire dès que la dernière
attraction de la pièce aura jeté ses feux.
---- C'est un sujet très comparable aux carcasses de bois blanc sur lesquelles se montent les feux d'artifice.
---- Mais quelle pyrotechnie ! Les décors sont des plus soignés, les costumes d'une richesse « américaine » et ce n'est pas peu dire - et deux rideaux couleur locale véritablement magnifiques.
Victoire de music-hall : Halleluiah veut plaire aux yeux et y réussit pleinement. La scène sur la plate-forme d'un cuirassé, sous la volée des énormes canons, est une trouvaille d'un pittoresque achevé. La scène à Shanghai est éblouissante. Enfin, c'est une « opérette » a 100 p. 100 de danses.
---- Victoire américaine : la musique (sous la direction fort amusante de M. Diot qui conduit avec tout son corps) est riche de timbres et de ces rythmes neufs pour une bonne part inventés outre-Atlantique. Elle témoigne d'un métier savant, elle est constamment intéressante, vivante, ardente mais il faut constater qu'elle n'émeut pas.
---- Looloo (Mlle Cœcilia Navarre) est tout à fait charmante de vive jeunesse et d'agilité quasi- acrobatique. Elle chante, danse et « dit » avec esprit. Bill Smith son amoureux (Géo Burry) a de l'aisance, une voix et des jambes souples. Mme Marguerite Louvain, dans la mulâtresse est remarquable de naturel.

Oudart, Dréan sont d'amusants comiques et tout le reste de la troupe est généralement de premier choix. Quant à Borrah Minevitch et à ses quinze « vagabonds » joueurs d'harmonica, ils offrent une attraction supérieure.
---- Un succès de plus, au total, pour les frères Isola.