L'intransigeant  du 3 février 1940           source: Gallica
 

               Quand la guerre de 1870 se déclara ; nous étions des enfants à Blida, on éprouvait quelque crainte dans la colonie algérienne, car les Arabes n’étaient pas tous loyalistes alors …
Ainsi parle Emile Isola, derrière un portant, sur le plateau de l’Etoile Palace. Son frère Vincent poursuit :
              Quand la guerre de 1914 se déclara, nous n’étions plus jeunes, nous dirigions l’Opéra-Comique, nous voulûmes nous engager ; le ministre de la guerre nous fit venir : « Vous avez mieux à faire, rouvrez l’Opéra-Comique, nous dit-il » .. et ainsi, en octobre 1914, la salle Favart donna l’exemple…
Emile Isola reprend :
              La guerre de 1939 ne trouvait plus directeurs, mais artistes ; alors depuis quatre mois nous n’avons pas cessé de donner des représentations de bienfaisance, c’est la première fois que nous travaillons pour nous…
             Ces hommes qui ont été à la tête d’un peu tous les théâtres de Paris, qui ont apporté des millions aux pauvres de l’assistance publique et doté Mogador des gentilles figures de Nanette et de Rose-Marie que nous avions retrouvées avant hier dans les demi ténèbres de Mogador, doivent de nouveau présenter les magies des faiseurs de tours, vieilles comme le monde, qui leur faisaient gagner leur vie quand ils avaient vingt ans et leur apportent leur aide un demi-siècle après…
         - Marguerite ! Qu’est-ce que tu fais ici ? …
Marguerite Gilbert, institutrice à ses débuts, devenue étoile des ciels électriques, reprenait du service pour aider.
          - Mais c’est là-haut que ton devoir t’attend, lui dis-je avec sérieux.
Elle me regarda, réfléchit et acquiesça.
         - C’est vrai, au fond… Goebbels a déclaré que Paris était cuit, faut pas qu’il ait raison ! Chacun doit se mettre au boulot…
            Et c’est ainsi que j’arrachai Marguerite Gilbert aux joies retrouvées du participe et de la règle de trois pour la ramener, repentante, à nos music-halls…

 
   

Le journal "L'ORDRE" du mercredi 28 février 1940

 
            Médrano donne actuellement un excellent programme. Programme un peu court, un peu rapide, et dont la composition correspond peut-être plus à un spectacle de music-hall qu’à un spectacle de cirque, mais dont la bonne qualité générale mérite un encouragement par ces temps difficiles.
eeee Le clou de la représentation est assurément l’étonnant numéro des frères Isola qui présentent, avec une élégance et une tenue qui comble d’aise le spectateur un peu soucieux de la forme, trois « illusions » dont on serait tenté de dire qu’elles sont des mystères.
         Celle-ci, notamment : les jumeaux Dommergue, deux tout jeunes gens d’une ressemblance parfaite, sont assis les yeux bandés, l’un en face de l’autre, au milieu de la piste. Vincent Isola circule parmi les spectateurs et tous ceux qui le veulent lui murmurent à l’oreille le nom d’une opérette ou d’un opéra. Vincent Isola se tourne alors vers les deux « sujets », tend vers eux la main en silence et, immédiatement, les jumeaux Dommergue, sans la moindre hésitation, jouent l’air principal de l’œuvre demandée.
         L’expérience se renouvelle deux fois, trois fois, quinze fois ; les sceptiques eux-mêmes glissent à l’oreille de Vincent Isola le nom de l’œuvre de leur choix ; pas une fois les « sujets » ne se trompent ; pas une fois, ils ne marquent la moindre hésitation. Le cirque croule sous les applaudissements.
       La rentrée de Porto, après vingt ans d’absence à Médrano, est l’autre attraction substantielle du spectacle. Porto et Alex naturellement, ont composés une série de petits sketches dans la meilleure tradition de la piste. Pas d’exagération, peu de moyens, une foule de nuances…et beaucoup d’effets. Petits et grands sont en joie. Alex et Porto, deux clowns, deux vrais, c’est rare.
         Signalons Miss Novara, virtuose xylophoniste, le couple acrobatique, Reylaus, les Renattis, l’écuyer Alexandro et, enfin, les danseurs comiques Leons et Harry. L’ensemble du spectacle est présenté par Recordier et Boulicot, toujours aimés enfants, mais un peu faibles.
 
 


le journal "LE POPULAIRE" du mercredi 4 mars 1940

         Au milieu d’un copieux programme qui nous permet d’applaudir à nouveau le beau numéro de trapèze volant « les Flying Dolls » dont je vous entretenais dans une récente chronique, Porto, le clown-maison par excellence, retour d’un voyage en Espagne, et tout une série d’autres numéros, les frères Isola, prestidigitateurs célèbres dans leur jeunesse, bientôt directeurs de théâtres et de music-hall. Ils connurent la grande gloire à « Mogador », où ils montèrent avec une somptuosité jusque-là inconnue des opérettes à grands succès.
           Et puis, ce fut la malchance, la crise, etc., etc., si bien qu’un jour les deux frères durent rechercher dans quelque grenier oublié les malles à surprises et reprendre les exercices de leur jeunesse.
---   En spectateurs féroces, on dit en consultant le programme : Ah ! zut, ces vieux-là ! et puis ils paraissent. Evidemment, ils ne sont plus de la première jeunesse et la présentation de leur numéro est elle-même bien veillotte.
      Mais leurs exercices se déroulent sur le rythme qui leur est propre : alors, les plus rebelles se trouvent intéressés, intrigués, étonnés et bientôt enthousiasmés par la perfection technique avec laquelle tous les « trucs » se trouvent exécutés. C’est que les frères Isola connaissent leur métier… sur le bout des doigts. Ils ne se contentent pas des vieux succès, ils en cherchent d’autres. On les sent heureux et fiers de posséder un beau métier et de l’exercer avec succès. Er ça, c’est toujours le plus magnifique des spectacles.

                                                                                                                                   Texte de R.FUZIER 

MARIANNE du mercredi 20 mars 1940

                                                                                                                                                         Source Gallica
         Les frères Isola! Durant un demi-siècle, ces frères siamois du théâtre, connus du monde entier, ont dirigé magistralement les Folies-Bergère, Parisiana, l'Olympia, la Gaîté-Lyrique, l'Opéra-Comique, Mogador et le Théâtre Sarah-Bernhardt.
            Mais, après avoir versé 36 millions de droits à l'Assistance Publique de Paris, Vincent et Émile Isola ont dû courageusement remonter sur les planches pour y reprendre le numéro de prestidigitation de leurs débuts.



 

Source Gallica  

            Les frères Isola, vedettes du spectacle, remportent un triomphe. La cabine au fantôme, le rideau mystérieux font toujours la joie du public. Les manipulations aussi, avec la participation des spectateurs dans la poche desquels on découvre des jeux de cartes, des serpentins ou un lapin vivant.         
      Le numéro se termine par des expériences de transmission de pensée très attrayantes : les jeunes Domergue reparaissent avec leurs accordéons et, les yeux bandés, exécutent les morceaux dont Vincent Isola leur donne l'ordre, sans paroles et de la salle où il prend connaissance des désirs du public. Manon, Tannhauser, Phi-Phi, Lakmé, etc... se succèdent sans bavures. Un spectateur bien avisé demande O ma Rose-Marie.
      Dès les premières mesures, les applaudissements redoublent. Les Isola saluent cet hommage à ce qui fut leur grand succès de directeurs. C'est une jolie minute, pleine de souvenirs et de l'amitié de Paris.
                                                                                    Françoise HOLBANE.