ANECDOTES DE TOURNEES
Les frères Isola se penchent sur leur passé

 

l'Ordre le 21 octobre 1938

 

Les frères Isola qui animèrent tant de soirées parisiennes avec leur célèbre numéro d'illusionnistes préparent un nouveau programme qu'ils présenteront au cours de la saison. Malgré tous les ennuis qui pèsent sur eux depuis quelques années ils ont conservé un magnifique optimisme.
Cet été ils accomplissaient avec le cycle Baret une grande tournée en province, s'arrêtant dans les stations thermales. Loin de se lamenter sur l'actualité de leur situation qui pourrait leur paraître pénible après les jours d'opulence, Vincent Isola affirmait avec le sourire :
— Nous devrions payer M. Audier qui a la bonté de nous offrir une telle villégiature, tandis que c'est nous qui sommes rétribués pour profiter de belles vacances.
Au Crotoy, où ils s'arrêtèrent en pleine kermesse populaire du 15 août, la foule s'amusait du spectacle de la 14 chevaux surchargée de sept personnes et de 400 kilos de bagages.

— Ce sont les frères Machin, dit quelqu'un.
— Les frères Machin ! Merci, s'indigna Vincent, avec un peu d'amertume. Mais Emile Isola réagit avec bonne humeur.
— Les frères Machin, nous ne sommes plus les frères Isola, nous sommes les frères Machin. Et il éclata de rire !
Mais le succès, ne vint pas dès le début de leur carrière pour les frères Isola : ils battirent même le record de l'insuccès. Ils se souviennent encore de cet établissement de second ordre où se produisant pour la première fois en public, le directeur mécontent de leur programme parlait sans ménagement de les liquider sans plus tarder.


Emile aux commandes.

Ils obtinrent cependant de rééditer les prouesses de Guillaume Tell, et Vincent placé parmi les spectateurs au fond de la salle, lança sa flèche, mais celle-ci, au lieu de continuer sa source en suivant le fil invisible qui devait l'amener sans incident sur la tête d'Emile, demeura suspendue au milieu de la salle.
Le public loin de protester, fut pris de fou rire, et applaudit chaleureusement. Devant ce résultat, le directeur en conclut qu'il s'était trompé, que ses illusionnistes étaient tout simplement des comiques, qui avaient provoqué volontairement le ratage de leur numéro.
Et l'engagement fut non seulement maintenu mais renouvelé. Ce fut un départ vers la célébrité, mais l'argent n'affluait pas encore, et l'un des deux frères cherchait parfois à... tourner la difficulté : le célèbre chanteur Noté; de l'Opéra, en maintes circonstances... assez délicates, lui prodiguait d'utiles conseils.
— Mon vieux, avec certaines femmes.., d'un certain rang professionnel... il faut avoir du doigté.., car ça peut coûter très cher, si l'on ne veut pas passer pour un homme mesquin.
« Alors, un bon truc.., le soir, tu déposes quelques louis dans une coupe, et le matin.., au moment de la séparation tu dis : « Ecoute, chérie, je suis fatigué, je ne me lève pas, mais je désire tout de même que tu t'achètes quelque chose en souvenir de moi; il y a des louis dans cette coupe, prends-en quelques-uns ». Elle n'ose jamais en prendre qu'un seul ».
L'âge, n'a paraît-il pas diminué l'attrait du beau sexe aux yeux d'un des célèbres duettistes. Emploie-t-il toujours le système... économique préconisé par Noté ?

Simone Marsigny.