LE GRAND SUCCÈS DE
LA NUIT DU
SPECTACLE
On
a dansé ce
matin, vers les trois heures, aux Folies-Bergère.
Rien de nouveau à cela, direz-vous. On danse tous les soirs
sur la scène.
Mais justement
c'est qu'on fox-trottait dans le grand hall entre spectateurs et spectatrices.
Ce
bal inattendu
terminait « La
Nuit du Spectacle », première fête annuelle organisée
par quatre grandes associations du spectacle, les administrateurs,
les secrétaires généraux, les régisseurs
et les chefs de contrôle, c'est-à-dire tous ceux qui secondent
les directeurs de théâtre dans leur tâche ardue.
On se doute
bien que le spectacle qui commença à minuit
fut des plus brillants. Et Victor Boucher et Fernandel et Mary
Marquet et Joséphine
Baker se succédaient « sur le plateau ».
On fit un grand succès notamment à M.
Sessue Hayakawa, l'éternel
suicidé qui, pour la première fois depuis sa réapparition à Paris,
se montrait au public. Nul doute n'était plus possible. C'était
bien lui en chair et en os, et pour nous donner une idée de l'art dramatique
japonais, il récita, après avoir été présenté par
Germaine Aussey, un petit speech, à moins que ce ne soit un petit monologue,
en japonais, au cours duquel on put admirer ses dons de mime.
M. Emile Isola présenta ses silhouettes animées. On se demandait
s'il avait fait disparaître son frère avec trop de maestria, mais
il annonça que ce dernier était à Cannes, ajoutant qu'il était
fort ému car, Il y a juste cinquante ans, il faisait ses débuts
de prestidigitateur aux Folies-Bergère, précisément.
On reconnaît Pauline Carton,
les frères Isola, Victor Boucher, Lefaur, Sessue
Hayakawa, Joséphine
Baker, Marie Glory, Fernandel, Rosine
Deréan, Parysis (probablement)
Dans la salle, la grande famille du spectacle était là au complet.
Régisseurs, contrôleurs; secrétaires généraux,
tous ces messieurs de la boîte à sel, qui savent porter le smoking,
ravis de se trouver réunis, ne ménageaient pas leurs applaudissements
et ne paraissaient pas blasés le moins du monde. M. Huisman, directeur
des Beaux-Arts, représentait le monde officiel, et Mlles Parysis, Cocéa,
Darrieux éblouissaient de leurs élégances. « La Nuit
du Spectacle » fut le triomphe de la solidarité et de l'organisation.
Jean-Jacques Brissac