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A
l'Opéra-Comique.
on joue Mignon. Les cris d'amour de Wilhelm Meister et
les roulades de Philine traversent en
coup de vent escaliers et couloirs. Encore plus que la renommée
d'Ambroise Thomas, le mauvais temps a poussé les
promeneurs vers la salle Favart. C'est à croire
que chaque matin les directeurs de théâtre adressent une
prière, au dieu des bourrasques.
Aujourd'hui, tous leurs vœux sont exaucés.
![]() Effectivement, M. Émile Isola, qu'un huissier majestueux protège des intrus, parait extrêmement satisfait. De la recette, tout d'abord. Et puis du programme de l'année 1924-1925 vient d'élaborer avec son frère, son Pylade. Pour le moment, Pylade voyage. M. Émile Isola me fait donc l'effet d'un directeur incomplet. L'accueil de M. Émile Isola est tout à fait cordial. Il possède beaucoup d'affabilités, des fauteuils moelleux, de charmants portraits de danseuses. Bien que leurs successeurs aient été désignés, les frères Isola sont encore, maîtres de la place jusqu'au 15 octobre 1925. Je demande donc au directeur de l'Opéra-Comique ses projets pour avant et pour après. M. Émile Isola se méfie. Il voudrait présenter au public des chefs d'œuvres inattendus, auxquels le chef d'orchestre donnerait donnerait le jour d'un coup de baguette magique. Il accepte néanmoins de me déclarer, pour la dernière saison Isola. L'Opéra-Comique donnera une revue générale du répertoire et principalement des œuvres crées depuis l'ouverture de la salle Favart. Pénélope, Louise, Ariane et Barbe Bleue, la Habanera, la Lépreuse, le Pays, Hulla, Fortunio, Aphrodite, le Jongleur de Notre-Dame, Lorenzacio, Quand la cloche sonnera, Gismonda, la Rôtisserie de la reine Pédauque, dans l'ombre de la Cathédrale, la Forêt bleue, le Mariage de Télémaque.. En ce qui concerne les matinées d'abonnement MM. Émile et Vincent Isola ont choisi leurs interprètes parmi les plus prestigieux. C'est ainsi que l'affiche de Don Quichotte réunira les noms de Vanni-Marcoux, de Lucien Fugère et de Lucy Arbell. Muratore prendra le manteau gris de Werther. Mlle Ravaud paraîtra dans Orphée. Mlle Chenal délaissera la Marseillaise pour Aphrodite. Mme Ritter Ciampi interprétera pour première fois le rôle de Louise. Au côté de Marguerite-Carré-Mélisande, M. Baugé nous présentera un Pelléas tout neuf. Et les farouches wagnériens se battront aux contrôles pour assister aux amours d'Yseult et de Tristan. Partir en beauté, après une saison de gala, tels sont le désir et l'intention de M.M Isola. La tâche sera sans doute difficille. Les 620 francs de subvention journalière accordés à l'Opéra-Comique avant la guerre n'ont été augmentés d'aucune indemnité de vie chère. Et malheureusement les directeurs sont obliges de vivre entre le paradis artistique et le monde commercial. — Et après ? ![]() Et M. Émile Isola me rappelle des souvenirs. Il y a douze ans, il dirigeait avec son frère, les Capucines, les Folies-Bergère, l'Olympia, la Gaîté et Parisiana. A la Gaîté, il y avait trois cents places à dix sous ; à l'Olympia, on représentait des ballets de Paul Vidal et de Richepin d'Hirschmann et de Missa ; aux Folies-Bergère, la revue à grand spectacle venait de faire son apparition. Avec un peu de musique, musique austère et nonchalante, musique savante ou sautillante. MM. Émile et Vincent Isola séduisaient, chaque jour plusieurs milliers de Parisiens. Pour venir à l'Opéra-Comique, ils vendirent leurs cinq théâtres. - Pendant tout le temps de, notre direction. me dit M. Isola nous nous sommes efforcés de présenter des œuvres nouvelles. L'an dernier, nous étions tenus de monter douze actes, et nous sommes allés jusqu'à dix-neuf. Tous ces opéras n'étaient sans doute pas de même qualité, mais il était de notre devoir, estimions-nous, de soumettre toutes les tentatives à l'appréciation de la critique. - Mais... après l'Opéra-Comique ? M. Émile Isola me reconduit, à travers les couloirs. Nous en sommes au troisième acte de Mignon, celui où l'héroïne grille comme un poulet dans le château en flammes. La lueur rouge de l'incendie emplit toute la maison. M. Emile Isola ne peut encore nous dire quel théâtre il prendra, car ses pourparlers ne sont pas terminés. Dans un mois, il sera définitivement fixé. Le 15 octobre 1925. MM. Émile et Vincent Isola abandonneront leur vaste bureau à MM. Ricou et Masson. Et, le lendemain 16 octobre, ils se mettront à la besogne dans leur nouvel établissement. - Pas même vingt-quatre heures de vacances, monsieur le Directeur ? M. Émile Isola hausse gentiment les épaules. Il ne pense pas qu'un musicien puisse se reposer. Jean Botor |