Source Gallica
   
LA DECISION DE DEMAIN
Qui dirigera l'Opéra-Comique ?

 

On ne renouvellera pas sans doute pas le privilège de MM. Isola

     Généralement quand expire le privilège d'un de nos théâtres subventionnés, le renouvellement de ce privilège en faveur des directeurs sortants ou 1a nomination de leurs successeurs se fait six ou huit mais avant cette échéance.
    On s'étonne donc que, dès demain, le gouvernement s'occupe du privilège de l'Opéra-Comique, c'est-à-dire plus d'un an avant que les directeurs de cette scène aient accompli leurs huit années réglementaires.


                L'Œuvre des Frères Isola


    Un grand ami de notre si belle scène lyrique nous assurait ce matin qu'il en était généralement ainsi quand on voulait commettre une mauvaise action.
   Car ce sera une mauvaise action, ajoute notre interlocuteur. Je sais de bonne source hélas ! Que M. François Albert, cédant à des manœuvres habilement dirigées ne renouvellera pas le privilège de MM. Émile et Vincent Isola. C'est à mon avis, une faute grave dont il faudra rapidement se repentir. En France comme à l'étranger ne parlons pas de la province aucun théâtre lyrique ne se maintient autrement que par de fortes commandites fréquemment renouvelées. MM. Isola, avec la collaboration de M. Albert Carré, ont réalisé ce prodige de former à Paris un théâtre lyrique faisant de l'argent.
       Décidément, la mode aussi bien en art qu'en politique est au changement de visages, même si ces visages n'ont pas cessé de plaire

                                             A la Gaîté


      Par qui remplacera-t-on les frères Isola ? Quels directeurs assez compétents pourront maintenir la prospérité de l'Opéra-Comique ?
       Quand MM. Isola sont arrivés rue Favart, ils avaient fait leurs preuves. Quittant volontairement, par amour de l'art lyrique, la direction fructueuse de music-halls, ils ont fait de la Gaïté, sans subvention ni associés, une admirable scène lyrique populaire. Pen-dant 11 ans ils nous y ont donné des spectacles de tout premier ordre : Hérodiade, avec Renault et Ema Calvé; la Messaline d'Isidore de Lara; les Girondins, de Fernand Le Borné; la Vivandière avec Delna; la Salomè de Mariotte, Orphée de Gluck; Don Quichotte de Massenet avec Vanni Marcoux; Panurge de Massenet, la Carmosine, la Danseuse de Tanagra. Grâce à eux nous avons applaudi Chaliapine, la De Hidalgo, la célèbre cantatrice espagnole, Affre, Noté, Litvinne, Alvarès, Escalaïs et d'autres...


                                             Rue Favart


       Enfin les voici à l'Opéra-Comique. Là, ils suppriment, les deux mois de fermeture d'été et de 380 par an le nombre des représentations passe à 480. Les recettes étaient de 2 millions 500.000 francs; elles atteignent 8 millions 500.000 et les abonnements qui se chiffraient par 600.000 francs rapportent aujourd'hui près de deux millions.
      Le nombre des ouvrages d'auteurs français que leur impose le cahier des charges est largement dépassé et tous les grands musiciens comme tous les grands prix de Rome entrent rue Favart.
        Sur l'affiche de l'Opéra-Comique, se succèdent en-effet, les noms de Rabaud, Alfred Bruneau, de Bussy, Busser, Bachelet, Ducasse, Samuel Rousseau, Marcel Bertrand, Raynaldo Hahn; Roussel, Levadé, Laparra, Latzari, Xavier Leroux, Fourdrain, Darius Milhaud, Messager, Hirchmann, Terrasse, Hilmacher, d'Olonne, Erlanger...
       Et tandis que notre interlocuteur nous vante les mérites incontestables des frères Isola, mous songeons que le ministre mal renseigné a déjà signé le décret injuste qui leur donne des successeurs !
                                                                                                               Jean Kolb